Un piano et des mots
Véronique Pestel a l’art de rendre la poésie musicale et vivifiante. Ses mises en musiques de poètes célèbres ou non, alliées à la force de ses propres textes, la situent dans la chanson de caractère littéraire et intimiste.
Une carrière francophone et dix albums
L’Olympia en 1995, le Café de La danse en 2016, les Prix Charles-Cros et Jacques-Douai, jalonnent cette carrière francophone qui, avec la complicité de son producteur Jean-Claude Barens, la mènera dans plus de vingt pays et la verra collaborer avec divers musiciens, habiller ses textes de musiques allant du jazz à la java, de l’acoustique à l’électro douce, pour aller jusqu’aux guitares vibrantes des musiques du monde de Jean Duino qu’elle a choisies pour son neuvième album Intérieur avec vue (2019). Le dixième album, Mon ARAGON, est sorti en 2021. Elle en a confié la réalisation à Patrick Brugalières avec lequel elle avait déjà travaillé pour l’album précédent.
Article de Michel Kemper « Pest’of » à Chants ouverts » Avril 2024
C’est une Pestel de poche, formule à l’économie pour petit festival naissant et fragile, soucieux de ses comptes. Un peu comme le livre de poche l’est face à La Pléiade. Pas de Steinway cette fois-ci ni de prestigieux éclairages mais un clavier électrique et quelques projos : comme une formule faite maison, forcément plus intime. Et c’est bien, aussi ; ça nous intimide moins…
Pest’Of, ça fait certes best-of et c’est le cas : un florilège, le survol de quelques décennies et d’une dizaine d’albums, l’occasion de ré-entendre quelques titres abandonnés en chemin, laissés pour compte sur les bas-côtés d’un déjà bel itinéraire. « Après toutes ces années passées à mêler la parole des poètes à la mienne, je suis curieuse de ce voir ce que je raconte quand je parle toute seule. » Alors Pestel soliloque, se raconte, au passage nous instruit plus encore. Rien que de réentendre certaines chansons de Babels (un de mes disques de chevet) est pour moi rare enchantement… Autant que d’en découvrir d’autres, comme ces deux inédits, chansons de circonstance qui débutent son récital, revenant ainsi sur « une année blanche et combien d’années noires ».
Pest’Of, ça fait aussi un peu pestiférée, du moins ça en a la consonance : et ça lui va bien à Véronique. Pestiférée non en raison de sa scandaleuse absence des médias (cette infortune est commune, qu’elle partage avec bien trop de ses collègues de paroles pour s’en plaindre encore), mais comme les sorcières de jadis, aux cheveux roux, flamboyantes comme elle, femmes qui savent la magie et le poids des mots, les secrets de la poésie, la liberté de la littérature, qui soupèsent les maux qu’elles tentent, à leur manière, en alexandrins ou non, de sinon guérir au moins d’apaiser : il suffisait de bien peu alors – un regard, un mot incompris, une suspicion – pour se voir accuser de sorcellerie, de pouvoirs maléfiques, de diableries, et finir sur le bûcher. Moi je prétends que Pestel a de tels pouvoirs : il suffit de se laisser prendre par sa poésie pour guérir des petits bobos de l’âme. Son art est onguent, est calmant : c’est fou comme le beau et l’usage du beau peuvent faire du bien et pour longtemps je crois. Vraiment, l’idée d’une Pestel sorcière, ensorceleuse, envoûteuse, diseuse de bonne aventure, gorgone même, me satisfait. Fier d’en connaître une, d’avoir un peu de son amitié, recueillir sa confiance.
Sa pratique n’est autre que de chanter ces mots qui nous interpellent, nous questionnent, nous séduisent, nous bouleversent, qui re-nuancent nos existences. L’élégance de ses vers, leur pertinence, leur sens, leur richesse sont la politesse de l’artiste. Une richesse alliée à leur paradoxale simplicité même si la rime est audacieuse et le verbe recherché.
Faut-il dire encore que Véronique Pestel est une possible définition du bonheur ?
Ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
En tournée jusqu’au 11 avril 2025 :
« Véronique Pestel, avec ou sans piano, toute en grâce, en délicatesse, en beauté mais aussi en force, percutante autant que drôle quand elle le veut. Elle possède un art, rare aujourd’hui, celui de dominer les mots, de leur faire exprimer leurs sens les plus profonds en les mariant ou en les opposant, en cherchant leur musique intime pour mieux l’accorder à ses notes et à sa voix ». Article de MIchel TRIHOREAU, sur le « Pest’Of », Avignon 2023.
» Vous connaissez beaucoup d’interprètes qui passent ainsi allègrement de la chanson à la littérature ? Qui vous incitent, une fois revenu chez vous, à ouvrir ces livres dont elle vous a magnifiquement dits des extraits et qui ont fait le miel des ses chansons ? » Article de Serge PAUTHE sur « Paroles de sages Femmes de Parole », Buis-les-Baronnies 2020
La chanson comme art vocal, conteur et poétique